Dans cet article, nous allons répertorier et analyser les confrontations internationales entre des pratiquants de la savate/boxe française et des autres arts martiaux, ceci sur la période allant de 1960 au début des années 1980.
Notre travail se basera principalement sur l'excellent livre de Jean-François LOUDCHER, "Histoire de la Savate, du Chausson et de la Boxe Française, 1799-1978", paru aux éditions l'Harmattan.
Cet article se basera également sur divers articles de journaux de l'époque, mentionnés par la suite.
Définition :
Nous n'allons pas faire un historique de plus de la savate/boxe française. Il sied juste de rappeler qu'elle avait pratiquement disparu après la Seconde Guerre Mondiale, ses pratiquants, vers 1950, n'étant plus que quelques dizaines, au mieux centaines.
Nous sommes bien sûr obligés de mentionner le travail homérique du Comte Pierre Baruzy (1987-1994), ancien élève de Charles Charlemont, qui a tenté de relancer la savate depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Il aurait participé aux Jeux olympiques de 1924, à Paris, au cours desquels la boxe française était un sport de démonstration. Nous ne disposons malheureusement d'aucune information sur ces démonstrations.
Le dernier championnat de France aurait eu lieu en 1937 et ne serait réapparu qu'en 1966., bien que divers championnats, challenges et rencontres aient eu lieu, mais sans organisation centralisée. De plus, la savate a même été incorporée dans la fédération française de Judo, de 1965 à 1974.
En 1965, le Comte Baruzy devient le président fondateur du Comité National de Boxe Française. Le Président d'honneur n'est autre que Georges Carpentier, qui avait commencé par la savate, avant de pratiquer la boxe anglaise avec les résultats que l'on sait.
Afin de rendre explicite ce qui suit, nous expliquerons simplement qu'en que l'ancien Comité National de la Boxe Française, créé en 1965 par le Comte Baruzy, est devenu la Fédération Nationale de Boxe Française en 1973. Cette fédération obtient l'agrément du Ministère des sports en février 1975. Cette fédération priviliégiait plutôt la Savate académique. Dès 1974, une scission se crée, avec l'apparition de la Fédération Nationale de Savate, dans laquelle se retrouvent les champions de l'époque. Cette seconde fédération est plutôt dirigée vers la compétition et la Savate moderne. En 1978, les deux fédérations fusionneront.
Pour donner un ordre de grandeur, en 1984, la fédération compte près de 20'000 licenciés. En 1985, une fédération internationale est créée.
Combats internationaux précédents :
Depuis le début du XIXème siècle, les pratiquants de la boxe française ont combattu des pratiquants d'autres origines ou d'autres sports, principalement des boxeurs anglais, avec des résultats très partagés. Il est nécessaire de préciser que la savate se pratiquait principalement à la touche annoncée, contre une boxe anglaise au finish.
Ce qui suit est tiré du livre "Martial Arts of the World", de Thomas A. Green et Joseph R. Swinth, édition Greenwood, citant les termes du livre de M. Loudcher, susmentionné.
Des Savateurs se sont aussi opposés à des pratiquants du Ju-Jitsu, soit le fameux Français Ré-Nié , en 1905, opposé à George Dubois, en France. Il semblerait que le Savateur ait perdu par une clé de bras.
Il y aurait eu une démonstration ou match entre Me Hiroo Mochizuki, alors âgé de 19 ans et Jacques Cayron, vers 1955, en France. Il semblerait que le combat se soit terminé après un crochet délivré par le Français.
Evolution des techniques de combat :
Dès la fin des années 1960, les techniques de la boxe-française évoluent vers une méthode de combat unifiée, après des dissensions internes. La garde et les coups deviennent plus compacts et moins académiques. Par exemple, l'effet du bras équilibrateur (tenu en arrière) est abandonné.
Il serait intéressant de pouvoir déterminer si cette évolution est influencée par la boxe anglaise, déjà beaucoup plus compétitive, ou par l'apparition des arts-martiaux, qui dans les années 1960, ne sont pas encore passés au combat avec ko.
Concernant les livres édités à l'époque, nous constatons que dans "Boxe Française Savate Moderne" de Jean-Pierre Dreineza (plusieurs fois champion de France et vainqueur de la Coupe d'Europe en 1984), édition Judogi - Paris 1967 ?, les planches techniques représentent déjà cette évolution vers une garde et des coups compacts.
Par contre, en 1972, Bernard Plasait faisait encore paraître son livre "La boxe intégrale" qui mentionnait toujours une savate à l'ancienne, avec le bras équilibrateur.
Dans son numéro consacré à la Savate, en 1976, les éditions Flash Marabout présentent des techniques complètement modernes et compactes.
L'apparition de la Savate dite Boxe-Libre aurait fait l'objet d'une revue du même nom, éditée chez Aramis en 1979.
Ce chevauchement des deux méthodes durant une période de plusieurs années confirme les avis différents qui ont régné dans ce sport. Cette lutte entre la boxe française académique et la boxe française compétitive est parfois mentionnée entre 1974/1978.
Les nouveaux championnats de France 1966 :
Il est nécessaire de fixer les résultats de ces championnats, qui auraient été disputés en 1967, ou 1966 selon les versions. Bernard Plasait en plumes, Marc Kunstle en légers, Christian Cogi en moyens, Denin et mi-lourds et Jean Lafond en lourds sont les vainqueurs.
Il faut relever que Bernard Plasait est un personnage incontournable de la Savate et a, à son actif, la parution de très nombreux livres dédiés à ce sport. Il ne deviendra rien de moins que Sénateur.
Jean Lafond, quant à lui, est le fils de Roger Lafond, créateur d'une méthode portant son nom, ou Panache et mélangeant la boxe, la canne, le bâton et l'escrime.
Les premières rencontres internationales modernes :
Christian Guillaume et ses voyages au Japon :
Intéressante photo où l'on voit Guillaume saluer son adversaire, selon le mode Savate,
Le deuxième combat est gagné, après trois voyages au tapis de son adversaire. Les combattants portaient des gants de 4 onces.
Le troisième combat se finit sur un match nul.
Le second voyage, toujours en 1969, est prévu pour 4 combats. Un autre combatant, Albert Boutboul est également du voyage et perd son premier match. Guillaume remporte son match en 1 minute et 22 secondes, avec un enchaînement pieds au corps, suivi d'un crochet du gauche.
Boutboul gagne son second combat aux points, durant la même soirée ?, tout comme Guillaume, en envoyant son adversaire au tapis au 2ème round.
Guillaume dispute encore un match, en battant son adversaire aux points. Précisons que Guillaume était un poids léger.
Pour terminer, Guillaume dispute encore un match et fait match nul. Si nous regardons l'iconographie relatives à ces matchs, nous voyons que les combattants ont les mains gantées et les pieds nus et portent des shorts et pas de maillots.
Selon le livre Marabout susmentionné, Guillaume aurait remporté 6 victoires, dont 3 ko, pour un match nul.
Guillaume aurait aussi été 2ème dan de Judo. Dans un article de Black-Belt de décembre 1970, on apprend que Guillaume a été champion de France pour la première fois en 1969.
Guillaume pratiquait certainement une savate académique... mais efficace.
Rappelons qu'il existe des tensions entre les divers organismes s'occupant de la savate et que certaines des organisations citées ci-dessous seront sanctionnées par la Fédération officielle.
Le premier Championnat d'Europe, le 11 avril 1970 :
Cette rencontre réunit l'Italie, la Belgique et la France et a lieu à l'Elysée-Montmarte à Paris. Il faut pondérer ce titre de 1er championnat par le fait que de nombreux autres championnats avaient déjà été organisés par le passé. Nous ne connaissons pas le résultat de ces combats.
Par contre, à la lecture difficile de la photo ci-dessous, on peut comprendre que G. (Guy?) Proust, G Fercoq?, Richard Genaudeau?, Christian Guillaume et Jacques Cayron? auraient participé à ces championnats.
Selon le livre italien "La Boxe Francese" de Giorgio Messina, paru en 1999 chez Edizioni Mediterranee, il apparaît les résultats suivants :
Guillaume/France bat Christian Muyters/Belgique en demi-finales (éventuellement en Belgique) et Silvano Milone/Italie en mouches
Jean-Pierre Julemont/Belgique bat Guy Proust/France en demi-finales (éventuellement en Belgique) et bat Carlo Benvegnu/Italie en légers
Sandro (Giovanni ?) Marcenero/Italie bat Cayron/France en welters
Silvano Milone aurait perdu la finale en poids coqs ?
France-Italie, le 12 juin 1971 :
Ces combats auraient eu lieu à Puteaux, contre une équipe italienne en provenance de Gênes, ceci devant 1500 spectateurs.
Italie-France, en 1972 :
Nous savons simplement que Sergio Domenico/Italie aurait battu Charmillon à deux reprises dans sa carrière, dont une à Gênes/Italie, selon l'image ci-dessous.
Rencontre entre la Savate et les Chakurikis et Championnats d'Europe, 29 novembre 1975 :
A Paris (à l'hôtel Méridien), a lieu une rencontre, organisée par la Fédération Nationale de Savate (fédération dissidente ayant entraîné avec elle les meilleurs combattants de l'époque), Cette rencontre oppose une équipe des Chakuriki (voire l'article consacré aux Pays-Bas dans ce blog) et des pratiquants français. Robbie Harinck, Ron Kuyt, Gerard Bakker, Jan Kunst et John (Jhon) de Ruyter (Ruiter) auraient participé à ces combats, du côté des Bataves. Nous ne connaissons pas le résultat de ces matchs, si ce n'est que Jan Kunst perd contre Georges Simon et Christian Guillaume gagne contre un autre Néerlandais. Il est possible que Christian Guillaume ait été entraîneur lors de cette réunion, durant laquelle Dominique Valéra était présent.
Le même soir, un combat oppose Bernard Le Prevost/France à Marc Beaute/Belgique, pour le titre de Champion d'Europe de Savate des poids plumes. La vidéo de ce combat est disponible à cette adresse : http://www.youtube.com/watch?v=xQ-DfXbqe0w Il semblerait que Le Prevost ait disputé un premier match le même soir, avant cette finale.
A la lecture difficile de l'affiche, il semblerait que Jean-Charles Charmillon/France ait été opposé à Roger Damien?/Belgique et que Todini/France ait été opposé à Giovanni Tasso/Italie, victoire de Todini à la fin du combat.
A la lecture du livre Marabout susmentionné, on apprend que MM. Charmillon, Todini, Simon et Le Prevost ont été Champions d'Europe en 1975.
Selon le livre italien "La Boxe Francese" de Giorgio Messina, paru en 1999 chez Edizioni Mediterranee, il apparaît les résultats suivants :
Bruno Berrina/Italie bat Lereuht/Belgique en mouches (marqué en 1965 ? dans le livre, mais Berrina serait né en 1948, donc aurait eu seulement 17 ans en 1965)
Todini/France bat Giovanni Tasso en welters
De plus, les Belges Muyters et Minocci auraient été éliminés en demi-finales de ces Championnats, sans plus de précisions.
A la page 292 de son livre précité, Jean-François Loudcher mentionne un article paru dans le journal Le Monde du 3 décembre 1975. La soirée n'a pas été organisée par la Fédération de Boxe Française, mais par le mouvement dissident, la Fédération Nationale de Savate. Un huissier aurait été mandaté par la Fédération officielle et il aurait constaté "un combat opposerait un professionnel à un amateur" et "un ou plusieurs combats auraient lieu à mains nues". Toujours selon le même livre, deux autres articles seraient parus dans l'Equipe du 28 novembre et du 2 décembre 1975.
Nous constatons que le diplome reçu par Tom Harinck et décerné par la Fédération Nationale de Savate et Boxe Française, est daté du 29 novembre 1975, soit le jour de la réunion du Championnat d'Europe.
Pour terminer, il semblerait que le 22 février 1975, toujours à l'hôtel Méridien, des Championnats de France aient été organisés par la Fédération Nationale de Savate. Une démonstration de boxe thaïlandaise aurait été effectuée par deux Néerlandais. Malgré le manque de détails donnés, faut-il y voir une première apparition en France des Chakurikis ?
Premiers internationaux de France, 11 février 1977 :
Ils ont lieu à Japy et ont réuni des membres des deux fédérations.
Conclusions :
De nombreux combats internationaux auront lieu à partir de 1980, mais ce blog termine sa narration à cette époque, afin de ne pas se disperser.
Il serait intéressant de déterminer si ce sont les confrontations régulières avec les équipes étrangères qui ont fait évoluer la Savate vers sa forme actuelle de combat au ko, avec une technique moderne ou si c'est une évolution interne française qui a permis ces confrontations.
Il est certain qu'à l'instar des autres sports de combats ayant évolués vers une pratique au contact, les techniques ont progressées depuis les années 1960/1970, visant une efficacité plus prononcée et la perte de technique surannée.